Depuis une décennie les chiffres sur les TMS et les RPS explosent. Cela ne veut pas forcément dire que les conditions de travail empirent mais l’intérêt porté à ces sujets génère des rapports de plus en plus détaillés, tandis que la qualité de vie au travail fait l’objet de beaucoup moins d’études. On a ainsi l’impression que la lutte contre la souffrance au travail prédomine face à la promotion de la QVT. Or il est important de ne pas dissocier les deux.

Ne pas opposer les deux côtés de la médaille

En dépit de la nébulosité qui entoure la notion de qualité de vie au travail et l’impact que de la négociation collective en entreprise aura à ce propos (probablement faible compte-tenu des thématiques restreintes ouvertes à la négociation), il est impensable d’éluder la majorité des composantes de la QVT pour concentrer les moyens sur les troubles musculo-squelettiques (TMS) et les risques psychosociaux (RPS) au motif que ces derniers sont mieux cernés ou que le retour sur investissement peut être plus facilement mesuré à court terme.

Il est primordial de ne pas privilégier la prévention des TMS et des RPS au détriment de la promotion de la QVT. Cette attitude reviendrait à considérer le verre à moitié vide. S’engager dans la lutte contre les TMS et des RPS ne signifie pas qu’il y a de graves problèmes dans l’entreprise ou que le DRH ou le CHSCT se focalisent sur les aspects négatifs de l’organisation. Mais s’engager dans le développement de la QVT ne veut pas dire pour autant que les conditions de travail sont déjà globalement bonnes et qu’il s’agit simplement de les améliorer pour attirer ou retenir les « talents ».

Un plan d’actions en matière de QVT ne doit pas occulter les situations à risques et devant appeler une réflexion de fond sur les maux générés par le travail. Lutter contre les TMS et RPS va améliorer la santé des salariés et réduire les arrêts de travail mais cela ne va pas obligatoirement avoir un effet positif sur la motivation et l’engagement de ces derniers.

En faisant une analogie avec la médecine, on pourrait dire que ne pas dépister la maladie ou se borner à soigner les symptômes sans s’attaquer au mal n’aura que peu d’effet… et conduira très probablement le patient à la mort. Mais il ne faut pas oublier non plus de réduire les effets indésirables du traitement pour permettre au malade de mener sa vie dans les meilleures conditions possibles.

En entreprise, il est donc important de réaliser un diagnostic honnête et complet des conditions de travail afin de définir les leviers les plus appropriés pour remédier aux maux constatés, identifier et prévenir leur survenance dans le futur.

Privilégier une pensée et une action globales

La complémentarité des deux volets est certaine, puisque l’un est destiné à sauvegarder la bonne santé des salariés afin de préserver leur productivité tandis que le second vise plutôt à améliorer leur bien-être afin de booster leur motivation et leur engagement.

En un mot, être moins stressée par les conditions de travail ou avoir un siège ergonomique ne va pas réduire pour autant le malaise qui me ronge de savoir qu’il existe une inégalité salariale notable avec mon collègue de bureau malgré la similitude de nos postes…

Or, comme l’indiquait en avril 2015, Martine Keryer, secrétaire nationale santé au travail et handicap de la CFE-CGC, « la plupart des accords sur la QVT se résument à la prévention des RPS », la création de crèches, de salle de sport, de conciergerie… éludant ainsi la question du travail en lui-même.

En effet, on sait depuis un certain temps que la plupart des Français donnent au travail une place prépondérante dans leur vie. Le malaise provoqué par un travail vide de sens ou inintéressant au regard des compétences et du niveau de formation du salarié ne doit donc pas être négligé.

Selon différentes études, le manque de reconnaissance – dont souffrent 52 % des salariés sondés – génère de la frustration et augmente le risque de vivre une détresse psychologique élevée tandis que le manque de perspectives d’évolution – 36 % des salariés concernés – entraîne un mécontentement évident. De là à quitter l’entreprise, il n’y a qu’un pas. Une récente enquête d’OpinionWay (2015) révèle même que la seconde raison qui pousserait un salarié à changer d’employeur est l’obtention d’une promotion ! Et ils sont 21 % à espérer trouver une entreprise qui valoriserait plus leur parcours professionnel.

Les Français sont également les salariés les plus démotivés d’Europe… et donc les moins engagés. La société Gallup a estimé le coût du désengagement au travail entre 450 et 550 milliards de dollars par an aux Etats-Unis, soit, par extrapolation, environ 60 milliards d’euros de pertes pour l’économie française.

Vous voyez où je veux en venir… Certes, travailler sur la QVT est plus complexe car il s’agit d’impliquer toute la chaîne hiérarchique en ayant une approche qualitative et non pas quantitative. Mais cette démarche peut également porter en elle les prémisses d’avancées considérables notamment en termes d’image employeur (vis-à-vis de candidats), image de marque (vis-à-vis de prospects et clients) et efficience (productivité, rentabilité).

À mon avis, si une entreprise souhaite tirer le meilleur parti de ses salariés et améliorer ses performances, elle doit non seulement veiller à la santé de son personnel (en luttant contre les TMS et RPS) mais aussi améliorer leur bien-être et QVT en menant notamment, une politique salariale équitable et des actions volontaristes en matière de gestion et valorisation des compétences pour accompagner l’éclosion des talents.

Source : Cindy Feix Auteure du blog « Travail et qualité de vie »